Relu par Dr Erick Petit, radiologue expert en endométriose, fondateur et responsable du centre de l’endométriose du GHPSJ, président de RESENDO
L'endométriose, affection gynécologique chronique et inflammatoire, est aussi appelée la “maladie manquée”. Plutôt bien trouvé pour qualifier une pathologie complètement invisible jusqu’il y a peu mais dont les symptômes sont connus et répertoriés depuis plus de 4000 ans. Pourquoi l’endométriose a-t-elle été ignorée par les politiques, la recherche, la société en général ?
Quelques pistes… Les interdits liés aux règles dans les sociétés traditionnelles ont été retranscrits notamment dans les récits d’explorateurs (XVIIIème siècle) et dans les textes sacrés. Ils ont ainsi traversé les siècles et ont participé aux nombreux tabous liés aux règles.
Jusque récemment, les règles, on n’en parlait pas. Pourtant, selon l’auteure et journaliste Elise Thiébaut, c’est ce par quoi on est désignée comme femme. Quand une fille a ses premières règles, on lui dit “ça y est tu es devenue une femme !” Un rite de passage vite oublié qui laisse la place au secret, à la honte, au dégoût, à la stigmatisation, ou à la raillerie.
Au XXème siècle, les femmes luttent pour leurs droits et en acquièrent de nouveaux notamment dans le contexte des guerres mondiales au cours desquelles elles sont amenées à remplacer les hommes partis au combat. Des avancées très éphémères puisque ces droits sont rapidement mis de côté. Pour preuve, 1920 est marquée par l'interdiction de l'avortement et l’amplification de la censure autour des méthodes contraceptives.
C’est dans la deuxième partie du XXème siècle que les luttes féministes résonnent comme un cri des femmes pour disposer librement de leurs corps. Bingo, la machine à pulvériser les tabous est lancée et la loi Neuwirth autorise la contraception en France en 1967 !
Dans le Deuxième Sexe, Simone de Beauvoir écrit : « la crise menstruelle est douloureuse mais les gynécologues s’accordent à dire que les 9/10e de leurs clientes sont des malades imaginaires. Une indisposition d’un ou deux jours par mois, même douloureuse, n’est pas un obstacle. » Pendant longtemps, règles et douleur étaient banalement indissociables ! Les patientes qui osaient consulter pour des douleurs de règles étaient tout simplement méprisées. De nos jours, c’est malheureusement encore le cas, du moins dans l’esprit de certains médecins, peu informés. Pour mieux comprendre comment certains peuvent en être encore là, rappelons que jusqu’en 2020, l’endométriose c’est 1h de cours sur 6 ans d’études de médecine. Sacrément light pour diagnostiquer une maladie aussi complexe. Le 2 septembre 2020, l’endométriose entre enfin au programme des études de médecine en France, il était temps !
En janvier 2022, le président de la République Emmanuel Macron annonce une stratégie nationale de lutte contre l’endométriose composée en 4 axes :
Force est donc de constater que les années 2020 marquent un tournant quant à la perception et à la reconnaissance de l’endométriose. Les choses évoluent : plus d’information, plus de témoignages, plus de reconnaissance, moins de tabous, l’endométriose est enfin mise en lumière. Et ce n’est qu’un début, comptez sur nous, les associations, les patientes, les médecins, les chercheurs pour que l’élan grandisse.
Hudson N. The missed disease? Endometriosis as an example of ‘undone science.’ Reproductive Biomedicine & Society Online 2021;14:20–7.