Relu par Dr Erick Petit, radiologue expert en endométriose, fondateur et responsable du centre de l’endométriose du GHPSJ, président de RESENDO
Si l’on doit attendre 1927 pour que l’endométriose soit enfin qualifiée et définie, ses symptômes sont connus depuis des siècles et ont donc traversé l’histoire. Au Moyen-Âge et à la Renaissance, les troubles liés aux règles sont associés à la possession démoniaque. Il faudra attendre le 19ème siècle pour que la médecine moderne commence à étudier le phénomène comme une maladie à part entière. Pourtant, certains irréductibles considèrent encore que l’endométriose est dans la tête.
Alors, pourquoi ce lien entre endométriose et hystérie ?
Selon le dictionnaire, l’hystérie c’est « une structure névrotique de la personnalité, caractérisée par la traduction en symptômes corporels variés de représentations et de sentiments inconscients. » Ok… donc aucun rapport, en fait.
Et bien, si et l’étymologie du mot y est pour beaucoup. L’hystérie vient du grec hysterykos, signifiant utérus. Dans la Grèce Antique, l’utérus était considéré comme un organe « vagabond » dont le moindre mouvement pouvait causer toutes sortes de symptômes. Si aujourd’hui, certains médecins voient la grossesse comme le remède miracle à l’endométriose (encore faut-il y parvenir, Genius), à l’époque, on distillait déjà des conseils miracles pour le moins originaux : éternuer par exemple (WTF ?!).
Du Moyen-Âge au XVIIe siècle, le mysticisme religieux et le puritanisme ont la côte. À cette époque, l’hystérie n’est plus liée à l’abstinence sexuelle (comme c’était le cas dans la Grèce Antique) mais à l’inverse, à l’hypersexualisation. Les femmes hystériques sont déclarées « possédées par le Mal » et persécutées, pendues, noyées, brûlées… Bonne ambiance.
Au XIXème siècle, le professeur Jean-Martin Charcot, fondateur de la neurologie moderne, s’intéresse de près à l’hystérie et utilise l’hypnose pour « provoquer des crises chez les patientes pour les étudier ». Le radiologue spécialiste de l’endométriose, Erick Petit suggère dans une interview sur le mag Lyv que parmi ces patientes, certaines auraient été en pleine crise d’endométriose…
En fait, pendant longtemps, la littérature médicale compile les symptômes de l’endométriose pour les attribuer à l’hystérie. Erick Petit poursuit : « son origine psycho neurologique est affirmée avec une connotation morale péjorative et les femmes atteintes [ aussi bien par l'hystérie que par l'endométriose ] sont considérées comme dérangées mentalement, l’enfermement en maisons de fous les guettant. » Hum. Okay.
Tout ça pour dire que oui, un lien historique existe entre endométriose et hystérie mais que ce dernier est…totalement infondé. Une théorie sortie du chapeau par ignorance mais aussi par pur sexisme pour discréditer la douleur des femmes. À oublier définitivement !
Nezhat C, Nezhat F, Nezhat C. Endometriosis: ancient disease, ancient treatments. Fertility and Sterility 2012;98(6).
Petit É. Histoire de l’endométriose de l’Antiquité à nos jours. Imagerie de la Femme 2016;26(1):21–5.