Relu par Rodolphe Benoît-Lévy, kinésithérapeute et ostéopathe spécialisé dans les douleurs pelviennes
Le rapport (complexe) entre digestion, transit et endométriose porte un nom : l’inflammation.
En effet, l’endométriose est une maladie dite inflammatoire. Cela signifie que c’est à l’inflammation que vous devez la ribambelle de symptômes douloureux qui vous mettent régulièrement dans de sales états (un grand merci à elle…). Ainsi, logiquement, tenter de limiter l’inflammation constitue un levier pour vous apaiser, que vous soyez sous pilule ou non.
Mais alors, que viennent faire là-dedans la digestion et le transit ? Il se trouve que votre façon de vous nourrir peut créer de l’inflammation et donc des symptômes. Porter une attention particulière à ce que vous mangez et comment vous mangez pourrait donc vous aider.
Attention les yeux, les points qui vont suivre peuvent sembler d’une évidence déconcertante. Pourtant, ils méritent vraiment qu’on s’y arrête quelques instants.
Mastiquer, mastiquer, mastiquer ! Et oui, ça semble tout bête, mais si vous donnez à votre corps de trop gros morceaux de nourriture plutôt que de petits bouts bien mâchés, vous lui compliquez la tâche de digestion, à lui mais aussi aux enzymes digestives dont le rôle est de mener le processus à terme. En bref, la nature est bien faite et quitte à avoir des dents, autant s’en servir. Alors, on coupe, on broie, on déchiquette allègrement !
Là encore, la réponse semble évidente, mais : point trop n’en faut ! Si votre estomac se trouve chargé d’un important stock de nourriture, l’énergie demandée pour digérer est plus grande. Le risque ? Vous épuiser. Pour une “vidange gastrique” optimale (expression soooo sexy), c’est-à-dire pour évacuer le contenu de l’estomac vers la suite du tube digestif, il est recommandé d’adopter une alimentation où les aliments gras, riches en fibres ou encore l’alcool sont consommés en petite quantité. Trop manger, c’est aussi multiplier les risques de ventre gonflé, de vêtements serrés et donc de digestion plus difficile. À avoir en tête aussi : au placard les jeans et autres outfits qui cisaillent au niveau de la ceinture. Confort et santé avant tout !
BONUS : petit lien entre le point 1) et le point 2) : mâcher doucement, c’est envoyer à votre cerveau l’alerte de satiété plus rapidement et donc éviter de trop manger. Un cercle vertueux en somme.
Bien manger, c’est ménager son microbiote intestinal. Son quoi ? Le microbiote, c’est l’ensemble des “micro-organismes” présents dans votre tube digestif - la fameuse “flore intestinale”. Peut-être entendrez-vous aussi le terme “microbiome”, et bien c’est tout simplement l’ensemble des microbiotes présents dans votre corps.
Le microbiote intestinal, fort sensible, est influencé par votre génétique, votre âge, votre état de santé et aussi par votre régime alimentaire.
OK mais alors quel est le lien entre microbiote et endométriose ? Difficile d’expliquer précisément les liens de cause à effet mais il est avéré que 1. le microbiote influence le développement de maladies et que 2. l’endométriose peut altérer le microbiote. De plus, il semblerait que 3. le microbiome des personnes atteintes d’endométriose ait une composition spécifique par rapport aux autres.
Autre lien : lorsque le microbiote est déséquilibré, on parle de dysbiose. Cette dysbiose apparaît comme un des facteurs pouvant expliquer le développement de maladies chroniques comme les MICI par exemple (il y a notamment 3 fois plus de chances d’avoir un syndrome du côlon irritable avec une endométriose que sans). Elle peut engendrer une inflammation et une production anormale de gaz. Et vous savez quoi ? Elle est aussi considérée comme l’une des causes potentielles du fameux endobelly (vous savez, le ventre de femme enceinte sans être enceinte) et de symptômes digestifs (constipation, diarrhée…) de l’endométriose.
Bilan : prenez soin de votre microbiote ne peut vous faire que du bien. Votre comportement vis-à-vis de lui et son influence sur vous s'entremêlent.
Quelques exemples d’actions concrètes à tester pour commencer :
En prêtant attention à votre alimentation, mais surtout à votre façon de manger, et en prenant soin de votre microbiote intestinal, les mécanismes du transit se trouveront déjà simplifiés. Notons aussi que douleurs et stress (souvent très présents en cas d’endométriose) sont intimement liés, et interagissent avec les intestins, ce qui n’aide pas !
Vous l’avez peut-être remarqué, le transit en période de règles peut se trouver particulièrement perturbé. La faute aux “prostaglandines”. Ces molécules interviennent notamment dans le processus de contraction des muscles pour évacuer ce dont le corps n’a pas besoin, comme c’est le cas pour les règles, par exemple. En période de règles, les prostaglandines s’activent et diffusent leur effet contractile sur l’ensemble des organes situés dans la zone pelvienne. À vous les diarrhées et les dysménorrhées (douleurs lors de règles) carabinées. Pour réduire ces effets pour le moins désagréables, là encore, on ne peut que vous conseiller de prendre particulièrement soin de votre alimentation à cette période (ne serait-ce qu’en appliquant les petits conseils listés plus haut).
Vous l’aurez compris, digestion et endométriose sont très liées. Ce rapport explique notamment pourquoi la maladie se manifeste bien souvent par des symptômes gastro-intestinaux, qu’il y ait présence d’atteintes digestives ou pas. Alors surtout n’hésitez pas à évoquer l’ensemble de vos symptômes, même ceux-là (!), à votre gynécologue !
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