Soyons honnêtes: lorsqu'on vit avec la sensation de se prendre des coups de couteau dans l’utérus, ou qu'on est pliée en deux depuis 2h sur les toilettes, difficile de croire que le simple fait de se concentrer sur la respiration puisse aider. Et pourtant ! La respiration a fait ses preuves pour soulager les douleurs de l’endométriose et améliorer notre qualité de vie.
Sophrologue spécialisée dans l’endométriose - et endogirl à mes heures douloureuses - je vous en fais la démonstration par A+B, études scientifiques à l’appui, et surtout, je vous invite à expérimenter par vous-même les bénéfices des pratiques respiratoires. Bien sûr, j’ai conscience que les exercices de respiration ne résolvent pas tout, et ne sont pas toujours simples à mettre en pratique au milieu d’une crise. Alors tentez à votre rythme, éventuellement accompagnée d’un ou d’une sophrologue, et voyez ce que cela vous apporte.
Selon une étude publiée en 2017 dans la revue Pain (1), la douleur affecte la respiration en causant des fluctuations de débit, de fréquence et de volume d’air. C’est donc un fait, quand nous combattons la douleur, qu'elle soit aiguë ou chronique, notre rythme respiratoire varie. Lorsqu’une douleur aiguë survient, vous avez certainement le réflexe de retenir votre souffle jusqu’à pousser un soupir de soulagement. Vous pouvez ensuite revenir aisément à une respiration naturelle.
Avec des douleurs chroniques liées à l’endo, il se joue tout autre chose. Embarquée par la souffrance, vous pouvez entrer en apnée assez régulièrement dans une journée, sans vous en rendre compte, ou bien connaître des accélérations de votre respiration, vous savez, ce souffle court qui renforce la sensation d’oppression…et donc de douleur. Ces inspirations et expirations superficielles peuvent même mener à une hyperventilation (coucou l’anxiété (2)).
Et patatras, c’est votre diaphragme, votre plexus solaire (situé entre le sternum et le nombril, dans l'abdomen) et tout votre abdomen qui en pâtissent en se crispant. Si j’ose ajouter une couche, cette altération n’est pas que physique. Quand votre souffle est perturbé, votre cerveau et votre psychisme souffrent aussi. Car la respiration est en lien étroit avec vos émotions. Voici pour le tableau. Un peu noir vu comme ça.
Je vous propose d’y ajouter de la couleur avec une touche d’espoir. Vous pouvez récupérer à votre avantage les pouvoirs de votre souffle par le biais d’exercices respiratoires. C’est toujours la première étape de mon accompagnement en sophrologie. Je me réjouis d’ailleurs de découvrir dans le livre L’incroyable pouvoir du souffle de Stéphanie Brillant, aux éditions Actes Sud, que des médecins prescrivent des régimes de respiration à leurs patients.
Alors comment expliquer l’effet « médicament » de la respiration sur les douleurs de l’endométriose ? Toujours dans cette étude de 2017 (1), l’équipe de recherche a observé une baisse de la douleur quand le rythme respiratoire ralentit. La clé est là : l’amorce d’une expiration prévient le cerveau que vous allez bien et que vous pouvez vous détendre. Expirer plus longuement et profondément que votre inspiration va déjà vous soulager.
En libérant votre respiration, vous allez vous attaquer à l’un des grands ennemis de l’endométriose et de votre corps : le stress et l’anxiété. Prenons un exemple. L’appréhension de la douleur (émotion de peur) vous contracte. Vous entrez alors dans un cycle de processus du stress, qui va agir en chaîne et ne fera qu’augmenter les signaux de douleur.
En effet, le siège de la douleur dans le cerveau se situe dans l’insula du lobe temporal, juste à côté du système limbique. Ce même système qui gère les émotions et déclenche le stress. Un réseau relie ces deux zones, d’où l’action néfaste (ou bénéfique !) sur les sensations douloureuses.
Autre donnée importante, des études montrent le lien entre le niveau d’activité de notre nerf vague et notre état émotionnel. Le nerf vague fait partie de notre système nerveux autonome. C'est grâce à lui que l'on respire et que notre cœur bat sans avoir à y penser.
Lorsque nous sommes dans un état de calme intérieur et que nous ressentons des émotions agréables, l’activité du nerf vague est à son plus haut niveau. C’est le système parasympathique qui prédomine alors. Au contraire, lorsque nous ressentons de la peur ou du stress, l’activité du nerf vague chute, place au système sympathique pour nous faire réagir. Comme le stress inhibe l’activité du nerf vague, il l’empêche d’exercer son pouvoir anti-inflammatoire. Le cercle vicieux se met en route.
En temps normal, l'événement stressant surmonté, le nerf vague reprend le relais. Mais dans certains troubles comme l’anxiété, on observe un effondrement de l’activité vagale… C'est ainsi qu'un stress chronique et certaines émotions jouent un rôle néfaste sur les douleurs des maladies inflammatoires comme l’endométriose.
Les exercices de respiration sont un bon moyen de se dégager de cette emprise du stress et redéfinir de nouveaux schémas de pensée afin de reprendre en main la situation. En vous focalisant sur vos expirations, vous appuyez sur la pédale de frein. C’est une nouvelle hygiène de vie pour soulager les douleurs de l’endométriose de manière durable.
J’évoquais au début de cet article le fait qu’une mauvaise respiration entraîne un blocage de votre diaphragme (le muscle respiratoire) et un plexus bien noué. Or, conserver souplesse, mobilité et force musculaire est bénéfique en présence d’endométriose. D’autant plus lorsque vous êtes concernée par l’endobelly (ventre dur, gonflé, douloureux semblable en apparence à celui d'une "femme enceinte").
Travailler votre respiration va redonner de la mobilité et de la souplesse à votre diaphragme pour un massage naturel des organes digestifs, mais aussi redonner de la mobilité au petit bassin en relâchant le périnée et les différentes articulations des membres inférieures (salut les hanches).
Votre transit va vous dire merci. Le diaphragme masse l’intestin, le stimule, l’aide à faire son travail. Le nerf vague, lui aussi est stimulé, et quand on sait qu’il contrôle l’essentiel de la digestion…La respiration calme et apaisée le met dans les conditions optimales pour une digestion harmonieuse.
Respirer c’est aussi revenir dans le moment présent en défocalisant votre attention de la douleur. Pour détourner votre mental des sensations inconfortables, vous pouvez :
Cette pratique aura le bénéfice de vous sentir en contrôle de la situation. Maintenant que je vous ai démontré les bienfaits, place à la pratique. Vous pourrez ainsi juger par vous même.
Je le précise tout de suite, vous ne respirez pas réellement par le ventre. Vous allez libérer le mouvement de votre diaphragme. Votre ventre va gonfler à l'inspiration et se dégonfler à l'expiration. Pour pratiquer :
- Installez vous confortablement, si vous êtes assise, décollez votre dos du dossier pour bien déployer votre colonne et votre diaphragme. Vous pouvez aussi pratiquer allongée, c’est même plus facile au début.
- Prenez conscience de votre respiration. Comptez le nombre de respirations que vous prenez durant une minute. Notez qu’une respiration équivaut à une inspiration et une expiration.
- Placez une main sur votre poitrine et l’autre sur votre ventre, afin de constater laquelle de ces deux parties bouge le plus quand vous respirez.
Une fois que vous êtes devenue la boss de la respiration abdominale, vous pouvez vous lancer dans cette autre pratique. Vous utilisez votre souffle pour accueillir la sensation douloureuse. Il faut se sentir prête à s’approcher de la douleur.
Pour pratiquer :
Si vous relâchez musculairement au contact de la douleur, que vous n’y résistez pas, alors vous lui donnez moins d’intensité. C’est exactement au moment où cela fait mal qu’il faut expirer. Vous lâchez prise, plutôt que de lutter contre la douleur. Ce n’est pas toujours évident à mettre en pratique au début, mais en essayant progressivement, au fil des crises, vous y arriverez de mieux en mieux.
Il me reste à vous souhaiter de bonnes pratiques, en douceur. Je suis curieuse de lire vos retours d’expérience en commentaires.