Avez-vous déjà lu l'histoire d'une jeune femme de 27 ans en couple avec son mec… et son endométriose ? Cette fille, ça pourrait être une femme sur dix (il suffit qu’elle soit touchée par cette même foutue maladie, et qu’elle ait quand même envie d’avoir une intimité avec un homme ou une femme, un jour...). Cette fille, c’est aussi moi.
Et aujourd'hui, j’aimerais écrire mon histoire, pour donner de l’espoir. J'aimerais montrer aux personnes touchées par l'endométriose qu'on peut s'en sortir… Mais que pour ça, selon moi, il y a une condition : faire équipe avec la maladie. Et amener son entourage à faire de même. Et parce que, oui, on peut aussi pousser un BON COUP DE GUEULE depuis son clavier, j'aimerais en profiter pour faire un gros f*ck à ce que j'ai trop entendu depuis le jour de mon diagnostic : "n'en parle pas aux garçons, tu vas leur faire peur"… entre autres phrases assassines.
Je vous raconte en deux-deux. Diagnostiquée d’endométriose il y a plus de trois ans - au bout de sept ans d’errance médicale -, j’ai tout quitté, ou presque. Plus de mec, plus de marketing de luxe, plus de Londres : retour à la source, à Lyon, chez mes parents, à l'âge de 24 ans. Enfin, retour à la galère, plutôt. Pendant des mois, j’ai ramé. Parce que je digérais l’annonce d’une maladie chronique aujourd’hui incurable, parce que je changeais de voie, parce que je voulais faire tout ça toute seule pour la première fois de ma vie. Enfin "toute seule"... "célibataire", plutôt, car je ne remercierai jamais assez ma famille et mes ami.e.s pour leur soutien.
Depuis, le temps de traverser cette période compliquée mais finalement salutaire, j’ai fait mon endo-coming-out, je suis devenue journaliste et consultante éditoriale indépendante pour traiter de différents sujets engagés - la santé des femmes d'abord, mais aussi ce qui touche au travail, à la société, à la parité femmes-hommes, etc. Oh, et depuis, je suis en couple. Tout ça, alors que je pensais ne jamais pouvoir combiner ma maladie, le fait d'en parler si librement et plusieurs jobs, tout en ayant une vie sexuelle et amoureuse épanouie. En bref, je me suis peu à peu mise en couple avec mon mec… et mon endométriose. Et si ça n'a pas été un long fleuve tranquille, ce fleuve, tantôt orageux, tantôt paisible, m'a menée à beaucoup plus que ce que j'avais imaginé alors.
Si vous êtes réglé·e, vous avez forcément conscience du tabou qui règne encore, au XXIème siècle, sur tout ce qui touche aux règles. "Ohhh le sang des règles, c'est sale !" En revanche, celui qui couvre les écrans des gamers (oui, #GTA, je parle de toi), ça, ça ne pose pas de problème ! Quand on a l'endométriose, le sang fait partie intégrante de notre quotidien. Et ce, pas forcément uniquement pendant la période de nos règles. Quand j'ai rencontré mon copain, je saignais quasiment tous les jours. Avec du recul, je suis quasiment convaincue que cela était dû à un problème de traitement hormonal.
Si je n'ai pas tout de suite confié tous ces détails - qui n'en sont pas - à celui qui allait devenir un de mes plus grands soutiens face à ma maladie, je lui ai parlé de ce que je traversais avant même que nous entamions notre relation. Je me souviens : c'était une soirée début octobre, je crois. L'été indien battait son plein, il m'a raconté des choses très personnelles à son sujet, et tout naturellement, j'ai partagé avec lui ce combat qui m'animait, malgré moi. Et vous savez quoi ? Alors que le regret presque immédiat se mêlait à la curiosité vis-à-vis de la réaction qu'il allait avoir, que la phrase, tant entendue "n'en parle pas aux garçons, tu vas leur faire peur !" résonnait encore dans ma tête, j'ai vu dans ses yeux une chose. Pas le dégoût, pas la pitié, non, rien de tout ça. Dans ses yeux, j'ai vu le respect. Aussi bien celui qu'il avait pour moi et pour l'épreuve que je traversais, mais aussi celui que je lui inspirais, à me battre pour - et non contre - cette maladie, notamment en osant en parler à cœur ouvert.
A posteriori, je suis heureuse de lui en avoir parlé. Zéro regret. Tout d'abord, parce que si je ne lui avait rien dit, il m'aurait littérallement prise pour une folle. Imaginez-moi (même si vous ne me connaissez pas) par terre, en boule, en pleine crise de douleur, en train d'invoquer je ne sais quel ange gardien pour lui demander de m'endormir sur le champ… ou en train d'avoir une grosse saute d'humeur, à cause des hormones qui donnent un concert de heavy metal à l'intérieur de mon corps (grrrrr). L'autre raison pour laquelle j'ai bien fait de me confier à lui, c'est qu'à ce moment-là, il m'a choisie pour qui j'étais. Pour qui je suis. Et si je suis bien plus que ma maladie, elle fait bel et bien partie de moi. Combo à prendre… ou à laisser.
Si les choses ont commencé sur des bases solides entre mon copain et moi, la relation que je nouais avec mon endo était tout autre… Et cela n'a pas tardé à déteindre sur ma relation amoureuse, mais aussi sur celle que j'entretiens avec moi-même. Pendant un premier confinement chaotique, durant lequel les anti-inflammatoires m'étaient déconseillés pour cause de coronavirus, notre relation a autant souffert que mon corps, qui subissait encore les conséquences d'un traitement hormonal inadapté.
Alors, nous avons fait une pause de quelques jours, lors de l'été qui a suivi. C'est en larmes, épuisée physiquement et moralement, que je suis arrivée chez le docteur Lhuillery, médecin de la douleur. Ce jour-là, ses mots m'ont fait l'effet d'un pansement, sur le ventre... et sur le cœur. Ce jour-là, le docteur m'a tout simplement expliqué que "la douleur, ce n'est pas que dans le corps, c'est dans le mental, aussi". Elle a rendu mon mal-être légitime, mais aussi celui de mon copain : elle m'a partagé le fait que même s’il m'accompagnait, il ne vivait pas ma maladie comme moi, et il ne pouvait pas tout comprendre…
C'est là que j'ai commencé à distinguer le fait de communiquer sur mon mal-être… et le fait de s'attendre à ce que l'autre comprenne absolument tout cela, comme s'il·elle le vivait dans son propre corps. Alors, lorsqu'il a pris de mes nouvelles quelques heures plus tard, je lui ai dit que j'avais réalisé que j'avais sûrement dû trop lui en demander. Je lui ai aussi partagé le fait que j'en étais désolée… mais que j'avais fait ce que j'avais pu, avec ce que j'avais, à ce moment-là. Touché par ma prise de conscience et par mes mots, il m'a répondu que j'avais, certes, des soucis, mais que je ne les choisissait pas. Et qu'il avait réalisé que ce qu'il aimait chez moi, c'était notamment mon courage… C'est notamment pour cette raison qu'il souhaitait continuer à être à mes côtés. Il s'est aussi engagé à me faire savoir si parfois, je lui en demandait trop, sans m'en rendre compte.
Ce jour-là, notre relation a pris un autre tournant. D'abord, parce que j'ai compris que je devais arrêter de culpabiliser de souffrir de mon endométriose, aussi bien aux niveaux physique que psychique et émotionnel. Ensuite, parce que j'ai remis les choses, et surtout les responsabilités de chacun·e, à leur place. Depuis que je fais équipe avec mon endo, je peux dire que, oui, je suis en couple avec mon mec… et mon endo. Et sachez que depuis, on se porte tous·tes plutôt bien !
Alors, si je devais résumer mon message en un mot, je choisirais celui-ci : DIA-LO-GUEZ ! Osez parler à la personne avec qui vous partagez votre intimité. Expliquez-lui ce que vous traversez, comment il·elle peut vous aider, vous accompagner… Et ça, ça commence par l'acceptation de votre endométriose. Pour avoir une belle relation avec votre endo, votre mec·meuf… et vous-même !
Nota Bene : D’ailleurs, c’est mon mec, photographe (coucou @thomdek), qui m'a proposé de me prendre en photo à plusieurs moments de ma vie d'endo-warrior, notamment pour illustrer mes récits à ce sujet. Les photos qui accompagnent ce témoignage ont été prises pendant le premier confinement, lorsque je testais pour la première fois un électrostimulateur. Sexy… non ? ;-)